En l’espace d’une vingtaine d’années, le coloscanner connu, également sous le nom de coloscopie virtuelle, est devenu un outil de dépistage des polypes et des cancers colorectaux, préconisé dans les recommandations officielles qui n’en soulignent pas moins ses limites. Il ne dispense pas de la coloscopie classique qui reste la technique de référence dans ce domaine.
Le coloscanner n’en permet pas moins de visualiser en trois dimensions l’ensemble du côlon de manière non invasive et précise. Il est possible, avec cette technique, de localiser les polypes et de mesurer leur volume, une donnée importante qui permet de définir les polypes dits avancés, de fait cliniquement préoccupants au point de justifier leur surveillance, sinon leur exérèse. Le coloscanner permet en théorie d’évaluer le comportement de ces lésions et de prendre la décision la plus opportune possible en fonction de leur malignité potentielle. Les polypes avancés qui correspondent aux adénocarcinomes, aux dysplasies de haut grade et/ou à un contenu villeux sont ceux qui ont le plus de chance de déboucher sur une polypectomie à terme. En pratique, force est de reconnaître que la découverte d’un polype lors d’une coloscopie classique conduit le plus souvent à son exérèse systématique. Cette polypectomie dite universelle relève de l’époque où l’imagerie non invasive était sinon inexistante, du moins balbutiante.
Le coloscanner peu invasif permet-il d’écrire l’histoire naturelle de ces lésions colorectales fréquentes et, à la lueur de celle-ci, de prendre la bonne décision thérapeutique au moment opportun en évitant la polypectomie systématique ?
Une étude de cohorte rétrospective avec suivi à long terme
Cette question est à l’origine d’une étude de cohorte rétrospective avec données de suivi à long terme, dans laquelle ont été inclus, entre le 1er avril 2004 et le 31 août 2020, 475 patients adultes asymptomatiques (âge moyen 56,9 ± 6,7 ans ; 263 hommes). Au sein de cette cohorte, ont été détectés 639 polypes isolés caractérisés par un diamètre initial moyen de 6,3 mm, le volume correspondant étant estimé à 50,2 mm3). Au cours d’un suivi moyen de 5,1 ± 2,9 ans, deux coloscanners au moins ont été réalisés et plus d’un polype sur deux (62,3 %) a été réséqué et analysé d’un point de vue histopathologique.
Au total, 41 d’entre eux (6,4 %) ont été considérés comme avancés sur la base de cette analyse, dont deux cancers avérés et 38 adénomes tubulovilleux. Ces polypes avancés ont été caractérisés, lors de la surveillance par coloscanner, par un accroissement accéléré de leur volume (en moyenne +178 %/an, voire +752 %/an en cas d’adénocarcinome), bien supérieur à celui des polypes non avancés (+33 %/ an), et à celui des lésions non réséquées ou non évolutives -3 %/an (p<0,001). Par ailleurs, dans 90 % des cas, le volume des polypes avancées a atteint ou dépassé le volume de 100 mm3, avec une croissance volumétrique de 100 %/an (versus 29 % pour les formes non avancées et 16 % en l’absence de résection ou en cas de résolution spontanée). En cas de surveillance plus étroite (3 à 4 coloscanners successifs), la plupart des polypes avancés ont d’abord connu une croissance relativement lente qui s’est accélérée par la suite.
Cette étude rétrospective donne une idée approximative de l’histoire naturelle des petits polypes colorectaux au sein d’une cohorte de 475 patients suivis à long terme. Il s’avère que les polypes avancés croissent beaucoup plus rapidement que les polypes non avancés et que leur volume dépasse le plus souvent 100 mm3. Une étude intéressante mais rétrospective qui ne saurait remettre en question les stratégies thérapeutiques actuelles dont la coloscopie optique reste, en Europe, la pierre angulaire, malgré son caractère invasif. Elle permet de fait d’accéder rapidement aux données histopathologiques qui sont le gold standard parmi les critères décisionnels. Le rôle du coloscanner se limite actuellement à un dépistage sélectif, la découverte d’une lésion significative étant en règle l’indication d’une coloscopie, tout au moins en Europe. La technique virtuelle est utilisée de manière plus souple aux Etats-Unis où elle peut se substituer en première intention à la coloscopie … dans certains cas.
References
Pooler BD, Kim DH, Matkowskyj KA, et al. Natural History of Colorectal Polyps Undergoing Longitudinal in Vivo CT Colonography Surveillance. Radiology. 2024 Jan;310(1):e232078. doi: 10.1148/radiol.232078.