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Leiomyosarcome de la Veine Cave Inférieure : expérience française

Le léiomyosarcome est un sarcome rare, d’origine mésenchymateuse. Dans sa forme vasculaire, il concerne les cellules musculaires lisses de l’endothélium de gros vaisseaux. C’est la veine cave inférieure (VCI) qui est la plus souvent atteinte suivie des veines rénales, grandes saphènes, pulmonaires et fémorales. Moins de 500 cas ont été rapportés dans la littérature.

Les femmes sont les plus concernées avec un sex ratio de 3,5/1. La tumeur est typiquement diagnostiquée vers la soixantaine, révélée le plus souvent par la palpation d’une masse ou des douleurs. Elle se développe lentement et, au niveau de la VCI, le développement peut être extra-vasculaire, intra-vasculaire ou mixte. On classe ces tumeurs en infra-rénales, rétro-hépatiques ou sus-hépatiques, compte-tenu des contraintes chirurgicales propres à chaque localisation (1).

Leur traitement est en effet chirurgical quand l’exérèse est possible. Compte-tenu de leur rareté, il n’y a pas de consensus quant à la place de la chimiothérapie. Deux équipes françaises ont rapporté leur expérience en décrivant les problèmes techniques et en discutant la place de la chimiothérapie dans le contexte péri-opératoire (2). 

Le traitement adjuvant est à discuter en RCP spécialisée dans les sarcomes

Tous les patients pris en charge pour un léiomyosarcome de la VCI histologiquement prouvé à L’Institut Gustave-Roussy et l’hôpital Marie-Lannelongue ont été identifiés à partir de leurs bases de données histologiques de sarcomes des tissus mous. Le bilan d’extension radiologique comprenait un scanner thoraco-abdomino-pelvien multiphasique éventuellement complété par une IRM pour les tumeurs localement avancées ou en cas de thrombose tumorale. Dans la plupart des cas, une biopsie pré-opératoire coa-axiale était réalisée par voie rétropéritonéale, percutanée scanno-guidée.

Tous les dossiers faisaient l’objet d’une discussion en réunion multidisciplinaire spécialisée dans la prise en charge des sarcomes. L’indication d’un traitement néo-adjuvant par chimio- et/ou radiothérapie était discutée notamment en cas de contact avec l’aorte > 180° ou avec l’artère mésentérique supérieure, le duodénum, le pancréas et le foie. Un traitement adjuvant était proposé en cas d’envahissement microscopique des marges et de résection incomplète ou pour les tumeurs de haut grade.

L’objectif de l’intervention était de réaliser une exérèse monobloc de la masse tumorale, adaptée à sa localisation et à l’existence d’un caillot tumoral. Certaines procédures (hépatectomie droite, circulation extra-corporelle) pouvaient être nécessaires en cas d’extension sus-hépatique. Les intervenants étaient tous spécialisés dans l’exérèse des sarcomes et des volumineuses masses tumorales. 

La mortalité était définie par un décès intra-hospitalier ou dans les 90 jours suivant la chirurgie. Les complications étaient rapportées selon la classification de Clavien-Dindo (complications majeures > 3a). Sur le plan histologique, le grade tumoral (1, 2 ou 3) était défini selon les critères FNCLCC (Fédération Nationale des Centres de Lutte contre le Cancer). Une marge < 1 mm était définie comme envahie. Les survies globale (SG) et sans maladie (SSM) étaient calculées selon Kaplan-Meier, actualisées à la date de décès ou de récidive ou, en leur absence, à la date des dernières nouvelles. 

En analyse multivariée, le grade FNCLCC était le seul facteur prédictif pour la survie globale

Entre mars 2003 et mars 2022, 41 patients porteurs d’un léiomyosarcome de la VCI ont été opérés. Il s’agissait le plus souvent de volumineuses tumeurs (médiane : 9 cm ; 2,4-23 cm) dont 68 % étaient en obstruction complète. La série comprenait 22 néphrectomies droites, dix hépatectomies (dont deux majeures), trois duodénectomies et deux résections partielles de l’oreillette droite avec réimplantation des veines sus-hépatiques moyenne et gauche. Cinq interventions étaient réalisées sous CEC.

Après la chirurgie, le taux de complications graves (CD >3a) était de 30 %. Aucune mortalité postopératoire n’a été rapportée. Une exérèse complète microscopique était obtenue pour 71 % des patients et donc incomplète pour 29 %. Dix tumeurs (24 %) étaient de grade 3 (FNCLCC). Après un suivi médian de 70 mois, la SSM à 3 ans et à 5 ans étaient respectivement de 34 % et 17 %, et la SG à 3 ans et à 5 ans étaient respectivement de 74 % et 50 %.

Les métastases à distance concernaient 54 % des récidives, les métastases locales 7 % et les métastases locales et à distance 5 %. L'analyse multivariée montrait que le grade FNCLCC (p < 0,001) et la chimiothérapie péri-opératoire (p = 0,026) étaient associés à la SSM. En analyse multivariée, le grade FNCLCC était le seul facteur prédictif pour le SG (p = 0,004). 

Une surveillance très rapprochée tous les 3-4 mois pendant 2-3 ans

Sur le plan technique les auteurs discutent la reconstruction éventuelle de VCI quand celle-ci doit être réséquée. En effet les léiomyosarcomes sont des tumeurs d’évolution relativement lente et en cas d’obstruction complète, une circulation veineuse collatérale est souvent visible sur le scanner pré-opératoire. Dans ces conditions, si le clampage cave est bien toléré, ils recommandent une ligature simple de la VCI (32 %).

Les autres situations relèvent de prothèse annelée (42 %) ou de suture cave avec (12 %) ou sans patch (15 %). Soulignons la fréquence des insuffisances rénales aigües (30 %) principalement liées aux néphrectomies mais aussi aux clampages caves prolongés, aux hypotensions, aux comorbidités… qui peuvent obérer les possibilités de chimiothérapie adjuvante. Dans ce cadre, l’embolisation artérielle rénale pré-opératoire peut offrir une certaine protection. 

Enfin d’un point de vue oncologique, les récidives sont précoces et peu souvent locales ce qui signifie que même après une résection R0, la maladie est à considérer comme potentiellement systémique. Les auteurs recommandent donc une surveillance très rapprochée tous les 3-4 mois pendant 2-3 ans, notamment si une simple surveillance est décidée.

Une chimiothérapie est à considérer pour les grades 2 et 3 (intérêt de la biopsie pré-op) compte-tenu de l’impact observé sur la SSM (RR = 0,38 [IC 95 % ; 0,2–0,92], p = 0.026), comme recommandé actuellement pour d’autres sarcomes par l’EORTC (3). Malheureusement la petite taille des effectifs ne permet pas de décider du timing (avant ou après la chirurgie).


References

  1. Kieffer E, Alaoui M, Piette J‐C, Cacoub P, Chiche L. Leiomyosarcoma of the inferior vena cava. Ann. Surg. 2006;244:289‐295. doi:10. 1097/01.sla.0000229964.71743.db
  2. Bertrand T, Faron M, Mercier O, et al. Vena cava leiomyosarcoma surgery results in a retrospective cohort of 41 patients from two centers. J Surg Oncol. 2024;1–10DOI: 10.1002/jso.27765 RESEARCH
  3. Gronchi A, Palmerini E, Quagliuolo V, et al. Neoadjuvant chemotherapy in high‐risk soft tissue sarcomas: final results of a randomized trial from Italian (ISG), Spanish (GEIS), French (FSG), and Polish (PSG) Sarcoma Groups. J. Clin. Oncol. 2020;38:2178‐2186. doi:10.1200/JCO.19.03289

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