Tours – La direction de l’université de Tours est entrée en guerre contre l’esprit carabin, le bizutage et les débordements sexistes.
C’est une plaisanterie potache qui, du goût de certains, est allée un peu trop loin. Le 17 septembre dernier, les étudiants de la faculté de médecine de Tours étaient réunis sur les quais de la Loire pour une traditionnelle soirée d’intégration, au cours de laquelle les carabins de troisième année « accueillent », généralement de manière bien arrosée, ceux de deuxième année. A l’occasion de cette fête, certains étudiants ont arboré une banderole à caractère pornographique, sur laquelle on pouvait voir le dessin d’une femme nue, apparemment inconsciente, plongée dans un verre d’alcool et sur laquelle un pénis éjacule. En dessous du dessin, on pouvait lire un jeu de mot grossier sur le GHB, un stupéfiant fréquemment appelé « la drogue du violeur ».
Certains rappelleront que ce type de blagues de mauvais goût était fréquent il y a encore quelques années dans les salles de garde et elles ont toujours été jugées peu glorieuses, mais sans gravité. Ce n’est pas l’avis de la direction de l’université de Tours et particulièrement de son président, Arnaud Giacometti. A l’heure de MeToo, de la féminisation du monde médical et de la lutte (salutaire) contre le sexisme et les violences sexuelles, le président de l’université est bien décidé à ne pas laisser passer ce genre de comportement grossier.
Une réaction énergique…et un brin disproportionnée
Dans un mail adressé ce mardi à l’ensemble des étudiants et des enseignants de l’université, Arnaud Giacometti dit « condamner fermement ces actes choquants et inacceptables, punis par la loi et indignes des valeurs portées par notre université ». Il indique également avoir, en concertation avec le Pr Denis Angoulvant, doyen de la faculté de Tours, demandé l’ouverture d’une enquête administrative « susceptible de suites disciplinaires ». « Une fois les conclusions de l’enquête rendues, les responsables de ces actes seront sanctionnés » affirme le courrier.
Enfin, le président de l’université de Tours annonce qu’il suspend la labellisation de l’Association des carabins de Tours, qui organise ces soirées étudiantes et qui ne pourra donc plus recevoir de subvention de l’université. Au micro de France Bleu Touraine, un représentant des étudiants a tenté de défendre timidement ses camarades carabins. « Je pense que les étudiants qui ont fait cette banderole n'avaient aucune intention de choquer, ils ne se rendaient pas compte de ce qu'ils faisaient, mais ce n'est pas pour autant que ce qu'ils ont fait est sans conséquence » explique-t-il. On apprend également par la presse régionale qu’un signalement a été fait au procureur (sans que l’on puisse facilement déterminer quelle infraction peut être reprochée aux étudiants).
Cela fait plusieurs années désormais que l’université de Tours tente de mettre fin aux débordements dans les soirées étudiantes. Depuis la rentrée 2022, les associations qui souhaitent obtenir des subventions de l’université pour organiser des soirées doivent signer une charte « soirée responsable », dans laquelle ils s’engagent à prévenir le bizutage, les alcoolisations massives et les agressions sexuelles. « On a conscience des problèmes qu’il y a pu avoir et nous sommes vraiment dans l’action par rapport à ça » affirmait à l’époque du lancement de cette charte le président de l’Association des carabins de Tours.
Dans les soirées étudiantes, des débordements parfois dramatiques
Si l’université de Tours sert la vis, c’est parce que ces soirées étudiantes peuvent parfois connaitre des débordements bien plus graves qu’une simple banderole graveleuse. Dans son mail à la communauté étudiante, l’université rapporte avoir reçu des « alertes concernant des actes de bizutage et des agressions sexuelles commises lors de soirées étudiantes en médecine ». En mars dernier, un ancien étudiant de l’université de Tours (depuis en « exil » à Limoges) a été condamné à cinq ans de prison avec sursis pour des agressions sexuelles commises sur des camarades lors de soirées étudiantes. Le fait que cet étudiant ait pu poursuivre ses études et passer l’examen de fin de sixième année d’études a suscité une vive polémique parmi les étudiants.
Plus au nord à Lille, l’ouverture le 4 septembre dernier du procès concernant le décès de Simon Guermonprez a une nouvelle fois illustré les dangers du bizutage. Ce jeune homme de 19 ans est mort en 2021 lors d’une soirée étudiante au cours de laquelle il aurait été forcé à boire de grandes quantités d’alcool. Le procès a été reporté après qu’un rapport de l’administration a révélé que la direction de l’université de Lille n’avait rien mis en œuvre concrètement pour éviter de tels débordements.
Mais en s’attaquant à de simples dessins et blagues certes graveleuses mais innocentes au nom de la lutte nécessaire contre le sexisme, ne crée-t-on pas une confusion dangereuse ? L’affaire de la banderole arborée par les étudiants de Tours n’est pas sans rappeler la polémique sur les fresques pornographiques de salles de garde, dont le gouvernement a demandé l’effacement, refusant de voir que ces dessins sont souvent un instrument de contestation provocatrice des internes contre leur hiérarchie et les directions hospitalières, employant dans ce cadre la pornographie. Attention à ne pas sacrifier l’esprit carabin en s’achetant à bon compte des galons en faveur de l’égalité des sexes quand les véritables enjeux et travaux sont ailleurs.