Paris, le jeudi 12 septembre 2024 – C’était la journée mondiale de prévention du suicide le 10 septembre. Une bonne occasion pour rappeler que si le nombre de suicides baisse depuis une trentaine d’années, il reste plutôt élevé, notamment chez certaines catégories de la population, dont les moins de 35 ans.
Quelques 9000 personnes décèdent chaque année, en France, par suicide, et 200 000 commettent des tentatives de suicide. Cela représente environ 25 décès par jour — un des taux les plus élevés d’Europe (13,4 suicides pour 100 000 habitants, la moyenne européenne étant de 10,2/100 000).
Une démographie marquée : les hommes âgés et les jeunes en première ligne
Du point de vue démographique, on observe certaines spécificités. Ainsi, les hommes se suicident bien plus que les femmes (6748 hommes pour 2154 femmes en 2021). Le taux de suicide augmente également énormément avec l’âge. Ainsi, la catégorie de la population qui se suicide le plus est l’homme de plus de 65 ans.
Cependant, le suicide des adolescents est aussi prévalent : 400 adolescents français mettent fin à leurs jours chaque année, ce qui représente la 2e cause de mortalité au sein de cette tranche d’âge (dont les causes de mortalité sont il est vrai rares).
« On constate une augmentation de la part de la mortalité attribuable au suicide pour les moins de 25 ans entre 2017 et 2021, davantage marquée chez les jeunes femmes et filles que chez les hommes », détaille par ailleurs Jean-Baptiste Hazo, chargé d’études en Santé mentale à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES). « Cela pourrait être lié à une amélioration des remontées statistiques à partir de 2018, mais également à un véritable phénomène sociologique qu’il faudra surveiller ces prochaines années ».
Les écrans dégradent-ils la santé mentale des jeunes ?
Comme nous le rapportions en mai dernier, une étude de la Drees avait d’ailleurs noté une progression stupéfiante des hospitalisations pour gestes auto-infligés chez les jeunes filles : scarifications, brûlures, coups contre un mur, etc.
« Les gestes auto-infligés sont extrêmement à la hausse chez les adolescentes et jeunes femmes. Ce phénomène a commencé à affecter la jeunesse de différents pays d’Occident au début des années 2010 », explique ainsi Jean-Baptiste Hazo. Selon lui, les causes ne sont pas encore vraiment déterminées, mais la forte exposition aux écrans et la dégradation de la santé mentale pourraient être corrélées.
D’autres hypothèses sont aussi avancées, comme les « nouveaux comportements sexuels », une potentielle plus forte objectivation sexuelle, le défaut de consentement lors des premiers rapports sexuels… « Quand on regarde les chiffres sur les gestes auto-infligés, le pic chez les jeunes filles se situe à 15 ans, qui est également l’âge moyen d’entrée dans la sexualité », souligne d’ailleurs le chercheur.
Les professionnels de santé, plus exposés que la population générale ?
Du côté des soignants, des internes et des étudiants en médecine, la question de la dégradation de la santé mentale se pose aussi.
Pour Laurence Marbach, fondatrice de la Ligue pour la santé des étudiants et internes en médecine (Lipseim), les soignants « font face à un environnement de travail extrêmement violent et exigeant », tout en étant confrontés quotidiennement à la maladie, à la mort… Des conditions de travail qui provoquent parfois une lente et terrible dégradation de la santé mentale, qui peut mener au burn-out, voire pire.
La fille de Laurence Marbach, qui était interne en médecine, a ainsi mis fin à ses jours il y a quelques années, tout comme 10 à 20 carabins le font tous les ans. « La problématique des conditions de travail dans le secteur hospitalier est systémique et complexe. Mais j’ai le sentiment qu’entre 2019 et 2024, des progrès ont été réalisés sur la question des conditions de travail dans le secteur médical », affirme-t-elle auprès de nos confrères du Quotidien du médecin.
Mais selon elle, les actions des CH et CHU se limitent le plus souvent à des solutions temporaires, comme les cellules de soutien psychologique, mais sans aucune « prévention primaire ou respect du droit du travail ». Elle insiste d’ailleurs sur ce dernier point.
« Le respect des conditions de travail est une obligation légale de l’employeur ! En respectant ces règles, on améliore déjà de façon mécanique leur situation de formation », martèle-t-elle. « Est-ce qu’on tolérerait qu’un avion ou une centrale nucléaire soient pilotés par quelqu’un qui n’a pas dormi depuis 24 heures ? Je ne pense pas. Pourtant, dans le milieu hospitalier, c’est accepté, sans que ça dérange qui que ce soit », indique-t-elle pour conclure.