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MeToo à l’hôpital : enfin un sursaut ?

Paris – Face au mouvement de libération de la parole sur les comportements et violences sexistes à l’hôpital, les autorités sanitaires commencent à réagir.

« Vous n’êtes pas seules, on vous croit ». L’Intersyndicale nationale des internes (ISNI) a repris à son compte les éléments de langage des campagnes de lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS). Le syndicat d’internes a lancé le 22 avril dernier un appel à témoignages national sur les comportements sexistes que subissent les étudiantes, internes et médecins à l’hôpital.

Il a notamment produit une courte vidéo où l’on peut découvrir le quotidien d’une interne, obligée de subir quotidiennement les remarques déplacées de son chef, qui lui conseille de « se détendre si elle veut valider son stage ». Une pression quotidienne que le syndicat juge en partie responsable du fort taux de suicide chez les internes en médecine.

Cet appel à témoignage s’inscrit dans le cadre d’un mouvement de « libération de la parole », pour reprendre l’expression consacrée, qui touche l’hôpital. Depuis que la Pr Karine Lacombe, cheffe du service d’infectiologie à l’hôpital Saint-Antoine, a publiquement accusé le 10 avril dernier le Dr Patrick Pelloux, président de l’association des médecins urgentistes de France, de harcèlement et d’agression sexuels, les témoignages sur des cas de harcèlement et d’agression sexuels perpétrés dans les établissements de santé affluent sur les réseaux sociaux.

Un mouvement MeToo à l’hôpital qui semble montrer que, au-delà des cas isolés, c’est une véritable ambiance sexiste et une culture de l’impunité et du silence qui régneraient dans le système de santé. Selon l’ISNI, 50 % des internes femmes disent avoir subi des comportements sexistes.

Un agresseur condamné bientôt interne ?

Si la plupart de ces accusations de comportements déplacés visent des chefs, qui abuseraient de leur autorité pour commettre ces actes, des cas de violences entre étudiants sont également rapportés. Une pétition relayée par des associations étudiantes et signée par plus de 22 000 personnes alerte ainsi sur le cas d’un étudiant en 6ème année condamné le 19 mars dernier pour agressions sexuelles sur deux camarades, faits qu’il a reconnus. Cependant, le délinquant a pu reprendre son stage en oncologie au CHU de Limoges et passera en mai le « concours » de l’internat, son exclusion ayant été suspendue par le tribunal administratif.

Si cet exemple rappelle la lenteur et la complexité des sanctions, les autorités sanitaires commencent progressivement à prendre conscience de l’ampleur du phénomène et du ras-le-bol qui monte dans une profession de plus en plus féminisée. Le 23 avril dernier, le directeur de l’AP-HP Nicolas Revel a ainsi assuré qu’une « politique de tolérance zéro est en place à l’AP-HP comme dans tous les hôpitaux » mais a reconnu « qu’il y a encore aujourd’hui en effet des actes, des comportements, des propos qui ne sont pas acceptables ». 

« La culture de l’impunité c’est terminé » promet Frédéric Valletoux

L’énarque a cependant voulu relativiser le discours des associations féministes, selon lequel rien ne serait fait pour sanctionner les auteurs de ces comportements sexistes. « Quatre professeurs de médecine, juste sur l’année 2023-2024, ont été suspendus pour des faits de harcèlement, soit sexuel, soit moral, au sein de l’AP-HP » assure Nicolas Revel. Ailleurs en France, l’ISNI s’était félicitée en février dernier de la condamnation à 12 mois d’interdiction d’exercice (dont 9 avec sursis) d’un PU-PH exerçant à Caen pour harcèlement sexuel à l’encontre d’internes.

Signe que le sujet est pris de plus en plus au sérieux, le ministère délégué à la Santé Frédéric Valletoux s’est emparé de l’affaire et multiplie les réunions à ce propos. Il a ainsi rencontré le Pr Lacombe le 24 avril et les syndicats d’internes ce lundi et recevra les représentants des ordres de soignants lundi prochain. « La culture de l’impunité, si tant est qu’elle existe ici ou là, c’est terminé, il y aura une tolérance zéro de ce point de vue-là » a lancé le ministre le 24 avril dernier. « Il faut mettre fin à cette ambiance, à cette culture, à ces comportements, à cette violence sexiste et sexuelle qui a sans doute trop caractérisé certains établissements » a-t-il ajouté.

Le ministre l’a promis : ces diverses réunions devront aboutir à des « pistes et des propositions concrètes » pour faire reculer le sexisme à l’hôpital, même si « on ne part pas de zéro, il y a déjà des choses qui se font ». Attention cependant aux fausses promesses : en 2021, à la suite de la publication d’un rapport accablant de l’association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) sur les violences sexistes dans le monde médical, le gouvernement a promis toute une batterie de mesures pour lutter contre le phénomène. Trois ans plus tard, peu a été fait et on semble encore de nouveau découvrir l’ampleur du sexisme à l’hôpital.

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