Environ un quart des patients âgés hospitalisés sont atteints de troubles neurocognitifs, et une grande majorité présente des symptômes comportementaux et psychologiques de la démence (SCPD) lors d’une hospitalisation.
Ces symptômes, tels que l'agitation, l'agressivité et le refus de soin, sont exacerbés par les environnements hospitaliers complexes et peuvent entraîner un recours aux contentions physiques ou chimiques, une augmentation de la durée du séjour, des réadmissions et de la mortalité ainsi qu'à un risque accru de violence envers le personnel soignant. Face à ce défi, des Unités de Soins Spécialisés (USS) ont été introduites dans plusieurs pays. Ces unités, caractérisées par un environnement sécurisé et adapté, s'inscrivent dans des modèles de soins gériatriques ou psycho-gériatriques spécialisés.
Une architecture et une équipe pluridisciplinaire adaptés aux besoins spécifiques des patients
Une étude a été menée sur une période de deux ans dans un hôpital australien afin de comparer la gestion des SCPD dans les USS par rapport aux soins standard. La conception architecturale de ces unités respectait les critères des services hospitaliers adaptés à la démence, incluant : un grand jardin, un espace commun pour les repas et les loisirs, des chambres individuelles, ainsi que des décorations évoquant un environnement domestique.
L'équipe multidisciplinaire comprenait : un gériatre, des infirmières spécialisées (avec un ratio de 1:2 le jour et 1:4 la nuit), un neuropsychologue, un animateur et un assistant social. La gestion des SCPD reposait sur des Plans de Soutien Comportemental (BSP) individualisés, mis à jour quotidiennement et évalués lors de réunions bihebdomadaires. Des activités thérapeutiques quotidiennes et l'implication des aidants familiaux constituaient des éléments essentiels de cette approche.
Les patients admis (durée moyenne de séjour 23 jours) présentaient un profil spécifique : 75 % des admissions étaient motivées par des SCPD plutôt que par des problèmes médicaux ou chirurgicaux, 30 % des patients n'avaient pas reçu de diagnostic antérieur de troubles neurocognitifs. 70 % des patients ne présentaient pas de confusion au moment de leur admission, 60 % des patients vivaient à domicile avant leur hospitalisation.
Un climat de violence objectivé par plusieurs scores en unité classique
Cette étude de cohorte longitudinale a porté sur 100 patients (âge moyen 77,6 ans (écart-type 8,6 ; plage de 60 à 97 ans), la durée médiane de séjour à l'hôpital était de 38 jours (IQR 19,5–75,5), et de 23 jours (IQR 11–53) en unité spécialisée. Ainsi, en service classique :
- les scores d’agression étaient en moyenne 6,8 points plus élevés qu'en USS (IC 95% : 6,04 à 7,64 points),
- les scores du NPI-C (Inventaire Neuropsychiatrique pour Clinicien) étaient en moyenne 15,6 points plus élevés (IC 95 % : 13,90 à 17,42 points),
- les scores d’agitation non agressive, étaient en moyenne 5,8 points plus élevés (IC 95 % : 5,14 à 6,50 points).
De plus, cette recherche a montré qu’en unité classique par rapport à une unité spécialisée, il y avait une augmentation de :
- la violence patient-infirmier (OR 2,61, IC à 95 % : 1,67–4,09),
- des appels aux services de sécurité (OR 5,39, IC à 95 % : 3,40–8,52),
- des mesures de contention physique (OR 17,20, IC à 95 % : 7,94–37,25),
- de l'administration d'antipsychotiques (OR 3,41, IC à 95 % : 1,60–7,24).
Une étude de faisabilité pour de futurs modèles expérimentaux
Cette étude présente plusieurs limitations. La méthodologie observationnelle, plutôt qu'un essai contrôlé randomisé, limite la certitude causale et ne permet pas de contrôler les effets de biais de sélection. Par ailleurs, l'étude a été menée dans un seul site, limitant la généralisation des conclusions. De plus, les résultats ne concernent que les patients mobiles de manière autonome.
Cependant, l'utilisation de plusieurs instruments de mesure comportementale fournit des données précieuses sur la trajectoire des comportements, contribuant à des données de faisabilité pour de futurs modèles expérimentaux. Les mesures répétées ont permis un modèle de régression à plusieurs niveaux, ajusté pour le temps et d'autres facteurs.
Les patients âgés hospitalisés en USS atteints de SCPD ont connu une réduction significative de la gravité de l'agressivité, des symptômes neuropsychiatriques et de l'agitation. Cela s'est également traduit par une diminution de l'utilisation des médicaments psychotropes, de la violence patient-soignant, des appels à la sécurité et de l'utilisation de la contention physique. Ces résultats soutiennent la mise en œuvre de conceptions hospitalières adaptées à la présence de SCPD et d’accompagnements spécifiques pour cette population.
References
Graham F A., Lisa Kelly, Burmeister E.A., et al. The impact of a hospital-based special care unit on behavioural and psychological symptoms in older people living with dementia, Age and Ageing, Volume 53, Issue 4, April 2024, afae081, https://doi.org/10.1093/ageing/afae081