L’étiologie du lupus érythémateux systémique (LES) demeure inconnue mais certains travaux de recherche suggèrent qu’entre 40 % à 70 % du risque sont attribuables à des facteurs environnementaux dont l’exposition aux UV mais aussi la pollution. Concernant cette dernière, plusieurs études ont montré que la pollution entraînait un stress oxydatif, des désordres immuns et des modifications épigénétique pouvant provoquer des réponses inflammatoires et auto-immunitaires.
Une nouvelle étude basée sur les données de la UK Biobank, (cohorte prospective ayant recruté plus d’un demi-million de participants d’âge moyen ou plus âgés, de 2006 à 2020, qui ont été soumis à différents questionnaires de santé et explorations biologiques, d’imagerie et de génotypage) s’est donné pour but d’explorer les associations entre exposition aux polluants de l’air et LES incident.
Après diverses exclusions (LES antérieur, informations manquantes sur la pollution au lieu de résidence, les données génétiques…) 418 028 participants ont été sélectionnés.
Les concentrations de polluants atmosphériques (particules fines d'un diamètre ≤2,5 μm [PM2,5], particules de diamètre ≤10 μm [PM10], dioxyde d'azote [NO2] et oxydes d'azote [NOx]) ont été estimées à l'aide d'un modèle développé pour ESCAPE (European Study of Cohorts for Air Pollution Effects) reposant sur de multiples variables géographiques, de trafic et de densité de population, permettant de déterminer les concentrations moyennes annuelles à proximité des adresses des participants. Le modèle des risques proportionnels de Cox a été utilisé pour l’analyse des liens entre les polluants atmosphériques et les cas de LES.
Rôle conjoint de la susceptibilité génétique
Le score polygénique de risque (SPR) pour le LES a été obtenu par méta-analyse de multiples GWAS (genome-wide association study). Les interactions entre pollution et risque génétique ont pu ainsi être examinées.
Au total, 399 patients atteints de LES ont été identifiés au cours d'un suivi médian de 11,77 ans. Des associations positives ont été retrouvées entre exposition aux polluants atmosphériques et apparition du LES, les rapports de risque ajustés étant de 1,18 (intervalle de confiance à 95 % [IC 95 %] 1,06-1,32), 1,23 (1,10-1,39), 1,27 (1,14-1,41) et 1,13 (1,03-1,23) pour chaque écart interquartile de concentrations de PM2,5, de PM10, de NO2 et de NOx, respectivement. En outre, les participants ayant un risque génétique élevé et une forte exposition à la pollution atmosphérique présentaient le risque le plus élevé de LES incident par rapport à ceux présentant un risque génétique faible et une faible exposition à la pollution atmosphérique (rapport de risque ajusté : PM2,5, 4,16 [IC 95 % 2,67-6,49] ; PM10, 5,31 [IC 95 % 3,30,-8,55] ; NO2, 5,61 [IC 95 % 3,45-9,13] et NOx, 4,80 [IC 95 % 3,00-7,66]). On retrouve une interaction « multiplicative » significative entre concentration de NO2 et SPR.
Jusqu’à présent peu d’études avaient évoqué un lien possible entre pollution et lupus, et celle-ci semble être la première à s’être intéressée à une population européenne et une exposition à long terme. Certes les sujets enrôlés le sont sur la base du volontariat et sont certainement plus soucieux de leur santé, ce qui a pu biaiser les résultats avec une sur ou une sous-estimation de certains effets. Par ailleurs d’autre polluants atmosphériques peuvent aussi être en cause. Enfin la complexité de l’étiologie du LES ne permet pas d’exclure l’influence de certaines covariables (exposition aux UV, profession exercée…). On peut néanmoins conclure que l’exposition à long terme aux polluants atmosphériques PM2,5, PM10, NO2 et NOx est susceptible d’augmenter le risque de développer un LES.
References
Xing M, Ma Y, Cui F, et al. Air Pollution, Genetic Susceptibility, and Risk of Incident Systemic Lupus Erythematosus: A Prospective Cohort Study. Arthritis Rheumatol. 2024 Oct;76(10):1530-1537. doi: 10.1002/art.42929.