JIM.FR Logo

Pourquoi l’évaluation du statut osseux des patients neurologiques est nécessaire

Les ostéoblastes et les cellules du système nerveux central (SNC) ont les mêmes cellules souches. Diverses cellules dérivées de l’os, principalement les cellules souches mésenchymateuses et hématopoïétiques, peuvent interagir avec le cerveau.

La moelle osseuse génère également des cellules immunitaires et des ostéokines qui franchissent la barrière hémato-encéphalique pour participer à la production de la microglie et jouer un rôle dans la croissance et le fonctionnement cérébral, certaines protéines ayant un effet neuroprotecteur (ostéocalcine, ostéoprotégérine), d’autres un effet neurotoxique (FGF23).

La protéine RANK et son ligand RANKL sont des régulateurs du remodelage osseux. Par ailleurs, RANK est fortement exprimée dans le cerveau, en particulier au niveau de la microglie, au sein des macrophages résidents, des neurones et des précurseurs des oligodendrocytes.

Au cours des maladies inflammatoires du SNC avec altération de la barrière hémato-encéphalique, une modulation par le système RANK/RANKL/ostéoprotégérine est observée, avec un rôle protecteur en cas d’inflammation (RANK/RANKL), et un rôle délétère en cas d’ischémie (ostéoprotégérine). Enfin, in vitro, une expression de l’ostéoprotégérine a été constatée dans certaines conditions de stress cellulaire au niveau microglial, neuronal et des progéniteurs d’oligodendrocytes, avec un effet protecteur probable sur l’apoptose des neurones.

Os et maladie de Parkinson

L’ostéoporose est fréquente dans la maladie de Parkinson et appartient aux symptômes non-moteurs de cette affection, notamment parce qu’elle comporte de nombreux facteurs de risque de déminéralisation : dysfonction gastro-intestinale (liée à la présence de corps de Lewy dans le plexus mésentérique) ; sarcopénie et IMC bas en corrélation avec l’état nutritionnel et la sévérité de la maladie et favorisés par l’anosmie, les troubles de la déglutition et l’augmentation des besoins métaboliques, surtout au début de la maladie ; dysfonction hypothalamique (avec diminution de l’hormone de croissance et de l’ACTH) ; faible exposition solaire ; hypocalcémie d’immobilisation ; polymorphisme du récepteur à la vitamine D sur les neurones dopaminergiques.

On retrouve également des récepteurs dopaminergiques sur les ostéoclastes et les ostéoblastes qui sont inhibés in vitro par la L-DOPA, ce qui se traduit dans un modèle animal par une réduction de la formation osseuse (avec augmentation de la production d’homocystéine) et une augmentation de la résorption osseuse. 

Sur le plan clinique, des études épidémiologiques ont montré une relation entre le taux de vitamine D et le risque de maladie de Parkinson. Parallèlement, les chutes sont fréquemment consécutives à la rigidité extra-pyramidale, la bradykinésie, le tremblement de repos et l’instabilité posturale. Mais elles peuvent aussi être induites par les symptômes non-moteurs tels que l’hypotension orthostatique, la dénutrition, la sarcopénie, les troubles du sommeil et les troubles cognitifs, ainsi que par la réduction de l’activité physique.

En pratique, le risque de chute est augmenté d’un facteur 2,66 par rapport à la population générale, ce risque étant augmenté dès le début de la maladie ; il est d’autant plus important que la maladie est plus sévère. Les patients souffrant de maladie de Parkinson chutent dans 60 % des cas chaque année, avec 70 % de chutes à répétition, les chutes étant la première cause d’hospitalisation en urgence.

Le risque de fracture est alors particulièrement préoccupant car la perte osseuse est accélérée chez ces patients dont la DMO est inférieure à celle de la population générale, négativement corrélée à la sévérité de la maladie, phénomène plus marqué chez l’homme que chez la femme.

Le surrisque de fracture vertébrale est ainsi multiplié par 1,94, et par 2,69 pour les fractures du col fémoral. Ces patients doivent donc être pris en charge le plus tôt possible car le surrisque de mortalité est bien réel multiplié par 2,41 contre 1,89 en cas d’ostéoporose sans maladie de Parkinson).

Alzheimer et ostéoporose

La protéine β-amyloïde est exprimée dans le SNC et dans l’os où elle inhibe les ostéoblastes et active les ostéoclastes via la voie RANKL. De plus, la voie Wnt est contre-régulée dans la maladie d’Alzheimer, ce qui génère une perte osseuse qui précède les troubles cognitifs. L’importance de la déminéralisation est corrélée à un risque de déclin cognitif rapide et sévère dans les deux sexes, ce qui se traduit notamment par une multiplication par deux du risque de fracture du col du fémur.

SEP et risque fracturaire

Dans cette pathologie neuro-inflammatoire, l’augmentation de la production de cytokines pro-inflammatoires (IL-1, TNF-alpha, IL-6, IL-17) favorise l’ostéoclastogenèse. La maladie est également associée à une augmentation significative du taux de RANKL, plus marquée dans les formes progressives que dans les formes rémittentes. De plus, SEP et ostéoporose partagent des facteurs de risque : carence en vitamine D et réduction de l’activité physique notamment.

En parallèle, certains traitements peuvent favoriser la déminéralisation : corticoïdes, opioïdes, antidépresseurs, antiépileptiques, anxiolytiques. Enfin, les chutes sont fréquentes en cas de SEP (au moins une fois par an en moyenne), liées à des troubles moteurs (déficit moteur, troubles de l’équilibre, de la coordination ou de la marche) ou sensoriels (troubles visuels, douleurs), voire à des troubles cognitifs. 

La prévalence de l’ostéoporose n’est donc pas négligeable dans cette population (17 %), de même que celle de l’ostéopénie (43 %), troubles généralement présents dès le début de la maladie, plus marqués dans les formes progressives. Cette perte osseuse accélérée à tous les sites est associée à un surrisque de fracture (x 1,58). On rencontre chez ces patients des fractures essentiellement des membres inférieurs, plus fréquentes chez la femme, et en cas de prise d’antidépresseurs, d’hypnotiques/anxiolytiques, d’anticonvulsivants et de corticoïdes.

L’examen du statut osseux est indispensable en cas de maladie neurologique car il existe de nombreux liens physiopathologiques avec l’ostéoporose. Mais nombre d’inconnues persistent, notamment sur les mécanismes et sur l’effet des traitements anti-ostéoporotiques sur le SNC.


References

Breuil Véronique (Nice). Maladies neurologiques et ostéoporose. 1ères Journées Francophones de Rhumatologie, Lille - Grand Palais, 23 au 25 mai 2024


3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE

D'AUTRES ACTUALITÉS