En 2020, la Commission de la revue Lancet sur la prévention, l’intervention et les soins contre la démence a estimé qu’environ 40 % des cas de démence pourraient être évités en ciblant 12 facteurs de risque : faible niveau d’éducation, perte de l’audition, pollution de l’air, diabète, hypertension, tabagisme, excès d’alcool, inactivité physique, isolement social, dépression, obésité, traumatismes crâniens.
Une étude de modélisation économique
Les études ont confirmé le rapport coût-efficacité favorable de plusieurs mesures de prévention, comme le sevrage tabagique, les aides auditives ou le traitement de l’hypertension. La difficulté d’affirmer que ces bénéfices se maintiennent sur le long terme a incité une équipe anglaise à réaliser une modélisation. Les auteurs sont partis des interventions ayant solidement démontré leur efficacité contre les facteurs de risque de démence (lutte contre le tabagisme, l’abus d’alcool, l’hypertension, l’obésité, la pollution et les traumatismes crâniens), mais non encore appliquées à grande échelle en Angleterre.
Les interventions étudiées dans cette modélisation sont les augmentations des prix du tabac et de l’alcool, l’instauration d’un prix minimum pour l’alcool, des politiques de réduction du sel et du sucre dans les aliments, la création de zones à faibles émissions polluantes et l’obligation pour les 5-18 ans du port du casque à vélo. L’objectif était de déterminer les effets de ces mesures, appliquées à toute une population, sur l’évolution du risque de démence tout au long de la vie.
Des gains en termes d’économies de coûts et d’années de vie ajustées à la qualité
Toutes les interventions destinées à la population étudiées dans cet article démontrent leur viabilité économique et sont associées à des bénéfices en termes de qualité de vie.
Ainsi, lutter contre l’excès de consommation d’alcool en fixant pour celui-ci un prix minimum, permet une économie de 280 millions de livres (plus de 320 millions d’euros), et un gain de 4 767 années de vie ajustées en fonction de la qualité (QALYs) sur une succession indéfinie de cohortes d’âges.
La réduction du sel dans les produits alimentaires permet une économie de 2,4 milliards de £ (2,82 milliards d’€) et un gain de 39 433 QALYs, et la réduction du sucre une économie de 1,05 milliards de £ (1,24 milliard d’€) et 18 000 QUALYs.
La création de zones à faibles émissions dans les villes de plus de 100 000 habitants serait à l’origine d’une économie de 260 millions de £ (306 millions d’€) et 5119 QALYs.
L’augmentation de 10 % du prix des cigarettes permettrait une économie de 157 millions de £ (185 millions d’€) et un gain de 2277 QALYs.
Enfin, l’obligation du port du casque à vélo pour les personnes âgées de 5 à 18 ans permettrait l’économie de 91 millions de £ (107 millions d’€) et un gain de 1544 QALYs.
Les auteurs reconnaissent que les politiciens pourraient se montrer réticents pour mettre en place ces mesures, étant donné le délai important nécessaire avant de constater les bénéfices sur le déclin cognitif. Ils estiment toutefois que les bénéfices de ces mesures sur les risques des autres maladies non transmissibles seraient visibles plus tôt et considèrent donc que leur analyse constitue un puissant argument pour mettre en place des mesures efficaces au niveau des populations, aussi rapidement que possible.
References
Mukadam N, Anderson R, Walsh S, et al. Benefits of population-level interventions for dementia risk factors: an economic modelling study for England. Lancet Healthy Longev. 2024 Jul 26:S2666-7568(24)00117-X. doi: 10.1016/S2666-7568(24)00117-X.