Marseille – Le Pr Didier Raoult est de nouveau pointé du doigt pour avoir publié une étude censée prouver l’efficacité de l’HCQ contre la Covid-19 et qui aurait été réalisée en violation de la réglementation éthique.
C’est en train de devenir un marronnier de la presse médicale. Régulièrement, le Pr Didier Raoult, ancien directeur de l’institut hospitalo-universitaire (IHU) de Marseille, devenu un paria dans le monde scientifique (mais qui est toujours adulé par les complotistes en tous genres), refait parler de lui pour une étude controversée.
Cette fois, c’est son ancienne maison, l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM), qui chapeaute l’IHU, qui dénonce les agissements du fantasque scientifique marseillais. Confirmant une information du magazine Le Point, l’AP-HM indique ce jeudi avoir, avec la Fondation Méditerranée Infection, signalé à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) une nouvelle publication scientifique douteuse du chercheur phocéen.
Le but de cette étude, publiée en août dernier dans la revue Acta Scientific Microbiology, accusée d’être « prédatrice » (c’est-à-dire qui accepte de publier des études sans vérification contre rémunération), est le même que celui que le Pr Raoult poursuit depuis quatre ans : prouver que l’hydroxychloroquine (HCQ), couplée avec l’azithromycine (AZ), est efficace dans le traitement de la Covid-19. L’étude avait déjà été prépubliée en mars 2023 et comptait alors huit auteurs. Six d’entre eux se sont depuis désolidarisés et l’article ne compte désormais que deux signataires : le Pr Raoult et son ami le Pr Philippe Brouqui.
Un consensus scientifique sur l’inefficacité de l’HCQ
L’étude compare l’évolution de 776 patients atteints de la Covid-19 pris en charge à l’IHU et traités par HCQ avec ou sans AZ avec celle de 500 autres qui n’ont pas reçu d’HCQ et conclut à l’efficacité du traitement. Il existe pourtant depuis 2020 un large consensus scientifique sur l’inefficacité de l’HCQ dans le traitement de la Covid-19.
Certains accusent même l’HCQ d’entrainer un sur-risque de mortalité, même si la question reste controversée : une étude qui attribuait 17 000 morts en Europe à l’utilisation de l’HCQ dans le traitement de la Covid-19 et qui avait été largement commentée a récemment été retirée en raison d’un « manque de fiabilité des données utilisées ».
Dans sa lettre de dénonciation, l’AP-HM critique non seulement la méthodologie extrêmement douteuse de cette étude mais surtout les nombreux manquements à la réglementation sur les recherches impliquant la personne humaine (RIPH) qui l’entachent. « Cette publication repose sur des données illégales et un comité d'éthique illégitime » souligne l’AP-HM.
En effet, alors que la loi Jardé de 2012 impose que chaque RIPH soit préalablement validée par un comité de protection des personnes (CPP) indépendant, les Pr Raoult et Brouqui se sont contentés de l’autorisation d’un comité d’éthique interne à l’IHU, dont l’indépendance est forcément douteuse. Comble de l’ironie, ce comité d’éthique était dirigé à l’époque de l’étude par le Pr Pierre-Edouard Fournier, qui a depuis succédé en 2022 au Pr Raoult à la tête de l’IHU et qui s’est désolidarisé de son ancien maître : il est en effet cosignataire de la lettre de dénonciation de l’AP-HM auprès de l’ANSM.
Un Pr Raoult pas si « gentil »
Ce n’est pas la première fois que le Pr Raoult est accusé d’avoir mené des études scientifiques sans considération pour les règles éthiques. En avril 2022, l’ANSM avait déjà pointé du doigt trois études menées dans des conditions extrêmement douteuses. Une autre étude publiée en avril 2023 censée elle aussi prouver l’efficacité de l’HCQ dans le traitement de la Covid-19 avait été qualifiée par un groupe de scientifiques de « plus grand essai thérapeutique sauvage connu à ce jour ». Enfin, en août 2023, l’informaticien Lonni Besançon avait rapporté avoir découvert 456 études réalisées par l’IHU entachées par des manquements à la réglementation éthique.
Selon l’AP-HM, la publication de ces nouveaux travaux par le Pr Raoult n’a pas pour seul but de relancer le débat sur l’efficacité de l’HCQ. Le scientifique phocéen chercherait également à régler ses comptes. « La volonté du Pr Raoult est de tuer l'IHU, de rendre impossible le renouvellement des équipes, le recrutement de nouvelles personnes » dénonce l’AP-HM.
En effet, depuis le départ à la retraite du Pr Raoult en 2022, l’IHU fait tout pour tenter de tourner la page de l’ère Raoult et retrouver sa respectabilité, après avoir été partiellement mis sous tutelle par l’ANSM pour ses abus. Plusieurs anciens collaborateurs du Pr Raoult ont ainsi été évincés de l’institut. « Cette publication sort en pleine période d'évaluation des IHU au niveau national » peste l’AP-HM.
Le Pr Raoult n’a pas réagi à cette nouvelle polémique. Très actif sur le réseau social X, il multiplie désormais les messages à la limite de complotisme avec toujours le même slogan : « c’est nous les gentils ! ».