Paris – La dissolution a mis fin à l’examen du projet de loi sur la fin de vie. Ses partisans espèrent pouvoir reprendre l’examen du texte le plus rapidement possible, tandis que ses opposants comptent sur Michel Barnier pour faire barrage au texte.
Le 7 juin dernier, les députés quittaient le Palais Bourbon après plusieurs heures de débat houleux sur le texte qui les accaparait depuis déjà deux semaines : le projet de loi « relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie », visant à autoriser le suicide assisté et l’euthanasie. Les parlementaires venaient d’adopter les articles 5 et 6 du projet de loi, cœur du texte autorisant l’aide à mourir et se promettaient de se retrouver le lundi suivant pour poursuivre leur travail, avec l’objectif d’aboutir à un vote solennel le 18 juin.
Ils ne pouvaient alors se douter que, deux jours plus tard, le 9 juin, le Président de la République Emmanuel Macron prendrait la décision inattendue de dissoudre l’Assemblée Nationale. Une dissolution qui a réduit à néant l’examen de tous les textes en cours, y compris donc de celui sur la fin de vie. « Tout ce que l’on a fait est anéanti » constatait amèrement à l’époque la présidente de l’Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet, elle-même partisane de la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie.
Une nouvelle proposition de loi pour légaliser le suicide assisté
Près de quatre mois après cette dissolution et alors que la situation politique et plus incertaine que jamais, les députés favorables à la légalisation de l’aide à mourir espèrent pouvoir bientôt reprendre leurs travaux parlementaires. Partisan de longue date de cette réforme sociétale, le député Olivier Falorni a déposé une proposition de loi reprenant l’ancien projet de loi tel qu’il avait été adopté en commission, ainsi que l’ensemble des amendements adoptés en séance publique, y compris ceux auxquels il était lui-même opposé (beau joueur). « Cette proposition de loi vise à poursuivre le chemin brutalement interrompu par la dissolution : tant de travaux, tant d’échanges, tant d’auditions, tant de délibérations ne pouvaient pas être jetés ainsi aux orties » écrit le député de Charente-Maritime dans l’exposé des motifs du texte.
Enregistrée au bureau de l’Assemblée Nationale le 17 septembre dernier, la proposition de loi a déjà été signée par 180 députés et Olivier Falorni espère atteindre les 200 signatures dans les prochains jours. A priori, la composition de la chambre basse issue des dernières élections assure une majorité à un texte légalisant le suicide assisté et l’euthanasie, la majorité des députés NFP et Renaissance étant favorable à cette réforme.
Mais le fait que le texte soit cette fois une proposition de loi et non un projet de loi porté par le gouvernement change fortement la donne. Les députés ne peuvent en effet choisir l’ordre du jour qu’une semaine par mois. Or, selon le député PS Stéphane Delautrette, « il faudrait trois semaines pour arriver au bout de l’examen du texte ». L’examen de la proposition de loi devra en effet reprendre du début, article par article. L’idéal serait donc que la proposition d’Olivier Falorni soit reprise par le gouvernement sous la forme d’un projet de loi, afin d’accélérer son examen. « Ce serait plus simple en termes de logistique parlementaire » poursuit le député PS.
Les opposants à l’aide à mourir reprennent espoir
Problème : il est très difficile de connaitre la position du gouvernement sur le sujet. Quatre députés qui ont signé la proposition de loi d’Olivier Falorni sont entrés au gouvernement le 21 septembre dernier (Paul Christophe, Marc Ferracci, Agnès Pannier-Runacher et Charlotte Parmentier-Lecocq). Mais le gouvernement contient également plusieurs membres de LR, parti qui s’est montré relativement hostile à la légalisation du suicide assisté. Le Premier Ministre Michel Barnier ne s’est pour sa part jamais clairement exprimé sur le sujet. Quant à la ministre de la Santé Geneviève Darrieussecq, elle a dit vouloir laisser les parlementaires « terminer le travail » tout en indiquant ignorer la position du chef du gouvernement sur le sujet.
Michel Barnier évoquera-t-il la question de la fin de vie lors de son discours de politique générale ce mardi ? « Je n’attends pas du Premier Ministre qu’il prenne une position précise sur le sujet » se résigne Olivier Falorni. Mais pour les opposants à la légalisation du suicide assisté, l’arrivée inattendue à Matignon d’un homme de droite, à priori hostile à cette réforme, constitue un espoir. Une vingtaine d’associations de professionnels de santé et de sociétés savantes, réunies au sein du collectif « Soins de vie », ont ainsi adressé ce vendredi une lettre au Premier Ministre, pour le convaincre de s’opposer au nouvel examen du texte. « Nous redisons avec force que donner la mort n’est pas un soin » écrivent les auteurs de la lettre. « Il serait incompréhensible que le sujet de la fin de vie soit discuté par le Parlement avant même tout autre projet visant à mieux répondre aux besoins de santé des Français » poursuivent-ils.
Dans cet imbroglio politique, un autre acteur quelque peu oublié pourrait intervenir : le Président de la République Emmanuel Macron. Après tout, le chef de l’Etat, longtemps hésitant sur la question, avait promis de concrétiser les propositions de la convention citoyenne sur la fin de vie, qui s’était largement prononcée pour la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie. « On ne réunit pas 184 citoyens pour la beauté du geste » commente Thierry Baudet, président du conseil économique social et environnemental (CESE).