Depuis quelques années, les recommandations préconisent un bilan bucco-dentaire pour les patients atteints de cancer, de pathologie pulmonaire, gastro-intestinale ou cardio-vasculaire. Plusieurs observations rapportent que les soins dentaires préopératoires améliorent le pronostic des interventions chirurgicales cardio-vasculaires.
Concernant leur impact sur le risque cardio-vasculaire en général, les données sont toutefois contradictoires. Une équipe japonaise a remarqué que certains patients ne se brossaient les dents qu’une fois par jour, le matin avant le petit-déjeuner, voire pas du tout.
Une étude japonaise rétrospective sur plus de 1 500 dossiers
Partant du principe que se brosser les dents uniquement le matin implique une mauvaise hygiène bucco-dentaire, ce constat a conduit à la mise sur pied d’une étude dont l’objectif était de vérifier si le moment du brossage pouvait avoir un impact sur le risque cardio-vasculaire. Ont été inclus 1 583 sujets de 20 ans ou plus, hospitalisés pour une intervention chirurgicale, un bilan ou un traitement médical. Les patients ont été classés selon leurs habitudes de brossage de dents.
Les uns se brossaient les dents matin et soir (n = 409 ; 25,8 %), les autres seulement le soir (n = 751 ; 47,4 %), un troisième groupe seulement le matin (n = 164 ; 10,4 %) et le dernier groupe ne se brossait pas du tout les dents (n = 259 ; 16,4 %).
Les évènements cardio-vasculaires retenus étaient l’insuffisance cardiaque, l’arythmie, l’infarctus du myocarde, l’angine de poitrine et les maladies valvulaires et aortiques nécessitant une intervention chirurgicale. La période d'observation médiane pour les 1583 patients a été de 441 jours, au cours desquels 176 décès, 226 événements cardio-vasculaires et 762 hospitalisations sont survenus.
Avantage au brossage le soir
Les analyses univariées et multivariées des événements cardio-vasculaires ont montré une survie supérieure dans les groupes se brossant les dents matin et soir (p=0,021) ou seulement le soir (p=0,004) en comparaison avec le groupe ne se brossant pas les dents. L’analyse en sous-groupe selon le tabagisme montre le plus mauvais pronostic pour les événements cardio-vasculaires chez les fumeurs ne se brossant pas du tout les dents que chez les fumeurs des autres groupes.
Parmi les non-fumeurs, le pronostic significativement plus sombre en termes d’hospitalisations se trouvait parmi les patients du groupe ne se brossant pas les dents ou seulement le matin.
Il s’agit d’une étude monocentrique, rétrospective et menée sur des patients hospitalisés. Les résultats ne doivent donc pas être étendus à l’ensemble de la population en bonne santé. D’autres réserves méthodologiques sont à noter, comme l’absence de prise en compte de la technique de brossage ou de mesure objective de l’hygiène buccale comme celle de la plaque dentaire. Les auteurs suggèrent toutefois que le brossage des dents le soir est un élément important pour réduire le risque cardio-vasculaire.
Plusieurs mécanismes sont avancés pour expliquer cette influence du moment du brossage, en lien avec la théorie selon laquelle la charge bactérienne intrabuccale augmente pendant le sommeil, du fait de la réduction du flux salivaire. Une première explication serait une perte de l’efficacité de la mastication, secondaire à la perte de dents à cause des parodontites et des caries induites par l’augmentation de ces bactéries buccales.
La deuxième est un déséquilibre de la flore intestinale sous l’influence de la flore buccale, qui pourrait lui aussi avoir un impact sur la santé. Enfin la troisième hypothèse est que les accidents cardio-vasculaires seraient directement favorisés par la bactériémie et l’inflammation liées à la parodontite.
References
Isomura ET, Suna S, Kurakami H, et al. Not brushing teeth at night may increase the risk of cardiovascular disease. Sci Rep. 2023 Jun 28;13(1):10467. doi: 10.1038/s41598-023-37738-1.