La majorité des infirmières travaille en roulement. Une étude prospective montre qu’une courte durée de sommeil entre les plages de travail n’est associée à un épuisement professionnel que si elle interagit avec la motivation.
Le système de santé exige que les patients hospitalisés soient pris en charge à tout moment, ce qui conduit le personnel de santé à travailler par roulements. Environ deux tiers des infirmières sont concernées par ces rythmes de travail. En Israël, ces roulements peuvent prendre différentes formes :
·Une alternance jour/nuit sur des plages de travail de 12 heures, ou matin/soir/nuit sur des plages de 8 heures,
·Une durée de travail de 8 ou 12 heures/jour, ou 40 heures par semaine pour un emploi à temps plein,
·Un sens de roulement horaire (matin/soir/nuit) ou antihoraire (nuit/soir/matin).
Ces changements de plages de travail peuvent entraîner ce que les chercheurs appellent le « retour rapide », caractérisé par un intervalle de repos inférieur à 11 heures. Des études préliminaires ont laissé entrevoir une possible corrélation entre la brièveté des périodes de repos, une qualité de sommeil dégradée et le risque d'épuisement professionnel. De plus, de nombreuses études ont examiné l'association entre le travail posté et ses impacts, notamment sur les risques de maladies cardiovasculaires et métaboliques, l'augmentation du stress et de la fatigue, et même sur la qualité de la prise en charge des patients.
15 % des plages de travail après un repos de moins de 11 heures
Une étude prospective à mesures répétées a été menée dans des services de médecine et de chirurgie de deux hôpitaux israéliens, auprès d'infirmières (n = 79, 40 femmes, âge moyen 37,3 ans [écart-type = 10,0], expérience moyenne 11,8 [11,2] ans). Les participants ont été suivies sur un total de 369 plages de travail (39,4 % de jour, 31,6 % du soir et 28,8 % de nuit), dont 15,4 % étaient des plages de retour rapide (n = 57). La durée moyenne du sommeil était de 383,4 (± 128,5) minutes.
Les infirmiers ont rempli un questionnaire comprenant des informations personnelles ainsi que des détails sur leur emploi du temps au cours d'une semaine donnée. Pendant cette période, elles ont porté un accéléromètre pour mesurer objectivement leur durée de sommeil. De plus, ils ont complété un questionnaire sur leur motivation au début de chaque plage de travail, ainsi qu'un questionnaire évaluant leur niveau d'épuisement en fin de semaine.
Une analyse de régression sur modèles mixtes a été utilisée pour tester un modèle de médiation modérée, dans lequel l'effet conjoint de la durée du sommeil et de la motivation médiatise le lien entre les horaires de retour rapide et l'épuisement professionnel.
La motivation atténue le manque de sommeil
Les résultats ont indiqué que la réduction de la durée des périodes de repos entre les plages de travail était significativement associée à une diminution de la durée de sommeil (b = -126,54, SE = 20,85, p < 0,001). Cependant, malgré cette diminution du temps de sommeil, l'étude n'a pas trouvé de lien direct entre le temps de sommeil et le niveau d'épuisement des infirmières (p = 0,171). Il semble donc que la quantité de sommeil en elle-même ne soit pas le seul facteur influençant l'épuisement.
En revanche, une interaction significative a été observée entre la durée du sommeil et la motivation concernant le niveau d'épuisement (b = 0,00 ; SE = 0,00 ; p < 0,001) : les infirmiers moins motivés sont plus susceptibles de ressentir un épuisement plus élevé lorsque leur temps de sommeil est réduit. Cela souligne l'importance de la motivation pour atténuer les effets négatifs d'un sommeil réduit sur l'épuisement.
En résumé, le temps de sommeil et la motivation des infirmiers jouent un rôle crucial dans la relation entre la brièveté des périodes de repos et l'épuisement. Cela suggère que même avec des horaires exigeants, les professionnels de santé peuvent maintenir leur motivation, atténuant ainsi leur niveau de fatigue. Afin d'améliorer le bien-être du personnel, les institutions devraient favoriser des horaires de travail permettant des périodes de repos suffisantes pour permettre aux infirmiers de dormir davantage. Cela implique également la mise en place de stratégies visant à renforcer la motivation, en particulier dans des situations où des contraintes sur les périodes de repos sont nécessaires.
References
Hatukay AL, Shochat T, Zion N, et al. The relationship between quick return shift schedules and burnout among nurses: A prospective repeated measures multi-source study. Int J Nurs Stud. 2023 Dec 22;151:104677. doi: 10.1016/j.ijnurstu.2023.104677.