Paris, le samedi 23 novembre 2019 – Trop souvent méconnue, la prise en charge des troubles de l’audition est un enjeu de santé publique majeure face d’une part au vieillissement de la population et d’autre part à l’augmentation de l’exposition au bruit dans nos sociétés contemporaines. Face à ce défi, les progrès de la recherche fondamentale et appliquée ont été ces dernières années spectaculaires. Nous revenons avec le professeur Christine Petit (Institut Pasteur), présidente de l’Institut de l’audition tout à la fois sur cet enjeu de santé publique que sur les avancées scientifiques récentes qui ouvrent la voie à des traitements prometteurs.
JIM.fr : Pouvez-vous nous rappeler l’enjeu de santé publique que représentent les atteintes de l’audition ?
Professeur Christine Petit (Institut Pasteur) – Il faut qu’il y ait une prise de conscience de l’ampleur de ce problème médical et social. Les atteintes de l’audition touchent tous les âges. Chez l’enfant, ce sont surtout des atteintes héréditaires, rares, mais qui conduisent souvent à des surdités profondes. Spontanément, l’enfant n’acquiert pas le langage. On a ensuite des problèmes chez les jeunes avec l’utilisation insuffisamment contrôlée des baladeurs qui fait que ces jeunes sont soumis, dans le cadre récréatif en particulier, à des énergies sonores beaucoup trop élevées. Sur ce point, l’Organisation mondiale de la Santé tire la sonnette d’alarme en signalant qu’il y a sur cette planète plus d’un milliard de jeunes qui sont exposés au risque de perte de l’audition, qui deviendra invalidante, en raison de la surexposition sonore. Il y a un véritable problème d’une manière générale, car il y a une pollution sonore considérable dans les mégapoles. Or, on estime que d’ici 2030, 85 % de la population mondiale vivra en ville et pour beaucoup, surtout dans les pays en voie de développement, dans des villes surpeuplées dans lesquelles le niveau sonore n’est pas contrôlé.
S’ajoute à ces points majeurs, la presbyacousie, la perte auditive liée à l’âge, qui touche un tiers de la population au-delà de soixante ans. Elle débute généralement après 50 ans, avec deux phénomènes prégnants : l’existence de troubles de la communication (classiques avec les troubles de l’audition), mais surtout une perte des fonctions cognitives qui est accélérée. On n’en comprend pas tout à fait la raison mais il est clair que devenir malentendant porte atteinte aux fonctions cognitives, accélère véritablement le vieillissement cognitif. C’est un problème majeur.
Le bruit : ennemi public numéro 1
Il y a donc un gros effort à faire qui s’impose. Le principal agresseur du système auditif c’est le bruit ; le bruit soutenu, l’énergie (soit le niveau multiplié par le temps) sonore élevée.
Il faut qu’il y ait une prise de conscience très forte de la menace que fait peser la surexposition sonore sur le système auditif. Certes, on peut faire des progrès en matière de thérapie, mais la prévention est également extrêmement importante. Il serait quand même relativement plus simple de prévenir. C'est-à-dire surveiller les niveaux sonores. Le fait que chacun puisse mesurer grâce à sa tablette le niveau sonore environnant et l’énergie sonore à laquelle il a été exposé sera probablement un atout incontournable dans l’avenir. Il faut que la conscience de ce danger devienne une espèce de culture.
JIM.fr : Les études génétiques ont contribué à une très importante amélioration de la connaissance des atteintes de l’audition. Pouvez-vous évoquer pour nous les découvertes réalisées dans ce domaine ?
Professeur Christine Petit (Institut Pasteur) - Il s’agit de travaux qui ont permis de déchiffrer les différents gènes à l’origine des atteintes de l’audition, qui sont des atteintes de l’organe sensoriel, à propos desquelles, grâce aux modèles animaux, on a isolé aujourd’hui plus d’une centaine de gènes impliqués. La cochlée humaine et la cochlée de souris sont très proches dans leur anatomie, dans leur physiologie, dans leurs composants moléculaires. Ainsi, actuellement, on dispose d’une bonne compréhension de la plupart des mécanismes défectueux dans chaque forme de surdité, même s’il faut sans cesse affiner cette compréhension.
Il y a vraiment eu un effort considérable réalisé. On est parti d’une méconnaissance absolument totale. On parlait de la surdité, mais en réalité ces travaux nous incitent à parler "des" surdités. La surdité précoce isolée c’est par exemple au moins une centaine d’atteintes ; on anticipe d’ailleurs beaucoup de formes rares pour lesquelles on ne connaît pas les gènes, notamment des formes rares syndromiques. On découvre en effet maintenant dans certaines formes syndromiques une atteinte de l’oreille, mais qui n’était pas au premier plan en raison de menaces sur le pronostic vital.
C’est à travers ces connaissances génétiques que l’on a commencé à accéder aux mécanismes moléculaires du traitement du son dans la cochlée et son innervation. Ce n’est pas outrancier de dire que le déchiffrage des mécanismes moléculaires mis en jeu dans le traitement du son dans la cochlée doit tout à l’approche génétique, c'est-à-dire doit tout à l’identification des gènes de surdité et à la compréhension de leur rôle via les modèles animaux.
Jusque-là, on ignorait tout des bases moléculaires du fonctionnement de la cochlée et de son innervation, parce qu’il était impossible d’accéder à ses composants, parce que chacun des types cellulaires de la cochlée est très peu représenté.
On entend chez l’homme avec 3 000 cellules ciliées internes, qui sont les véritables cellules sensorielles. Pourquoi parle-t-on de "véritables cellules sensorielles" : parce que c’est elles qui envoient l’information du son codé au niveau cérébral. S’y ajoutent des cellules ciliées externes qui elles ne dialoguent quasiment pas avec le cerveau, mais qui pour autant ont un rôle très important, parce que c’est d’abord un rôle d’amplification de la stimulation sonore qui fait que lorsqu’elles sont absentes on a une élévation du son auditif qui est de 50 à 60 db. Elles amplifient la stimulation des cellules sensorielles elles-mêmes et elles jouent un rôle très important pour obtenir une analyse fréquentielle fine.
L’approche génétique a eu un rôle déterminant pour la compréhension de l’audition
Ce qui est très prégnant dans ce qui a été extrait de l’analyse génétique c’est ce qu’on appelle la mécano-transduction, c'est-à-dire la façon dont l’énergie de la stimulation sensorielle est convertie en un codage électrique, c’est ce qu’on appelle la transduction. Au niveau de la cellule sensorielle, ceci implique une machinerie moléculaire : tout ce que l’on en sait aujourd’hui a été obtenu par l’analyse génétique. Toutes ces molécules sont responsables lorsqu’elles sont défectueuses de surdité héréditaire. Comme elles sont très peu nombreuses, la compréhension de leur rôle et de leur fonctionnement est impossible par une approche biochimique. Par exemple, il existe un tout petit lien, qui lorsqu’il est exposé à la tension de la stimulation sonore ouvre le fameux canal de mécano transduction, qui va permettre de faire entrer des cations, des polarisants, dans la cellule sensorielle auditive. Ce lien est unique et est fait de deux molécules : jamais vous ne pourriez l’atteindre par une approche biochimique. Toute la puissance de la génétique c’est que son efficacité est totalement indépendante du nombre de molécules impliquées dans une fonction. S’il y a bien un sens, pour lequel l’approche génétique a eu un rôle déterminant c’est l’audition.
JIM.fr : Quelles sont les cellules qui sont principalement atteintes dans les formes monogéniques de surdité ?
Professeur Christine Petit (Institut Pasteur) - Les cellules cibles de l’atteinte dans les formes monogéniques de surdité ce sont des cellules qui sont soit des cellules de la cochlée, soit des cellules du nerf auditif ou les cellules gliales qui l’entourent. Ce qui domine c’est l’atteinte des cellules sensorielles. Si l’on regarde les différentes formes de surdité, plus des deux tiers sont dues à une atteinte des cellules sensorielles elles-mêmes. Si l’on s’intéresse à la fréquence de ces atteintes, même si cela est variable d’un pays à l’autre, d’une région du globe à l’autre, il est une forme de surdité que l’on trouve cependant pratiquement partout comme assez prévalente ou totalement prévalente c’est l’atteinte du gène qui code pour la connexine 26, qui est une protéine des jonctions cellulaires qui assure la communication entre les cellules. Cette atteinte-là correspond à un bon tiers des surdités profondes de l’enfant en France et aussi aux Etats-Unis. L’atteinte de la connexine 26 n’est pas une atteinte des cellules sensorielles, c’est une atteinte des cellules de soutien et surtout des fibrocytes de la cochlée. Elle prédomine. Pour autant, si vous deviez avoir une liste des formes monogéniques de surdité, une à une, ce qui domine en terme de nombre de formes, c’est l’atteinte des cellules sensorielles.
JIM.fr : Pouvez-vous nous parler des aspects génétiques de la presbyacousie ?
Professeur Christine Petit (Institut Pasteur) - En la matière, les travaux se concentrent vraiment sur la susceptibilité sonore qui varie d’un individu à l’autre, la susceptibilité de la perte d’audition due à l’exposition sonore. On a mis en évidence un gène, c’était une avancée majeure, qui conduit à une sensibilité particulière à la surexposition au bruit. C’est la souris qui nous a mis sur la voie, chez l’homme on ignorait ce phénomène. On s’est aperçu que la souris présentait une hypersensibilité aux atteintes sonores liées à la surexposition au bruit. On a déchiffré les mécanismes et ensuite on est retourné chez l’homme. Chez l’homme nous travaillons beaucoup avec des ORL et des généticiens autour du bassin méditerranéen. Nous avons demandé à ces cliniciens de bien vouloir examiner s’il y a avait une sensibilité particulière au bruit. Pour répondre à cette question, aucun risque n’est pris : le simple examen habituel d’enregistrement des potentiels évoqués auditifs chez des personnes soumises à une stimulation très standard permet de voir des modifications de la réponse des neurones durant la stimulation. Il n’y avait jamais de surexposition. Au bout de dix minutes, il y avait récupération et si on recommençait quelques temps après on voyait à nouveau le même tracé qui apparaissait, même beaucoup plus prématurément. Aujourd’hui, nous développons des tests qui permettent de voir ces effets de susceptibilité particulière. Le déchiffrage de la physiophathologie de la presbyaccousie est en effet indispensable pour pouvoir avancer au niveau thérapeutique.
JIM.fr : Si la génétique est incontournable, quelle autre approche permet cependant la compréhension du fonctionnement de l’audition ?
Professeur Christine Petit (Institut Pasteur) - Il n’y a pas de commune mesure entre ce que l’on va apprendre en s’intéressant au niveau cellulaire et ce que l’on va apprendre grâce à l’imagerie. Par contre ce qui est indispensable de faire, c’est de valider le fait que tout ce qu’on observe chez l’animal est bien présent chez l’homme avec les mêmes atteintes.
Bien des énigmes encore à résoudre
JIM.fr : Beaucoup de progrès ont été réalisés, on le comprend, notamment grâce à la génétique. Quelles sont les zones encore à explorer ?
Professeur Christine Petit (Institut Pasteur) - Il faut comprendre beaucoup mieux la plasticité cérébrale sollicitée à travers l’implant cochléaire (ou toute autre forme future de thérapie). Pour restaurer de manière idéale l’audition, s’il n’y a pas de plasticité cérébrale, on n’obtiendra pas un codage optimal du son. Concernant des atteintes monogéniques décrites comme strictement périphériques nous avons observé il y a deux ans qu’il y avait des anomalies au niveau du cortex auditif. Et ces anomalies portent sur des précurseurs de certains neurones inhibiteurs. C’est peut être aussi un des problèmes de l’implant cochléaire. Il peut se heurter, face à certaines formes, et celles-ci doivent être identifiées une à une afin de comprendre ce qui se passe exactement, au fait qu’il existe des atteintes intrinsèques centrales associées. C’est un message qui peut paraître un peu négatif ; mais en même temps, il est important de maîtriser cette donnée, car on peut adapter la réhabilitation auditive.
Au niveau fondamental, il y a encore bien des énigmes qu’il nous faut résoudre concernant le fonctionnement de la cochlée, en particulier à propos de la mise en place de cet axe séquentiel ou encore de l’individualisation de chaque cellule qui répond à une fréquence particulière. Et concernant le niveau central, il y a vraiment beaucoup à faire. Comprendre ce qu’est le codage auditif au niveau du cerveau, comprendre ce qu’est la perception auditive, comprendre comment elle s’intègre dans une perception multisensorielle. Ce sont un certain nombre de défis auxquels il nous faut absolument répondre et nos ambitions vont jusqu’à comprendre la neurophysiologie de la compréhension de la parole. Il y a du travail chez l’animal mais cette partie fondamentale s’étend chez l’homme.
JIM.fr : Le caractère incontournable de la génétique rappelle la place majeure des thérapies géniques dans les traitements à l’étude des atteintes de l’audition. A cet égard, pouvez-vous rapidement nous résumer les résultats de l’essai de thérapie génique réalisé par votre équipe chez des souris atteintes du syndrome d’Usher de type 1G ?
Professeur Christine Petit (Institut Pasteur) - Il ne s’agit pas d’un essai de thérapie génique. Quand on dit essai de thérapie génique, c’est un essai chez l’homme. Ici, c’est la démonstration de principe que l’on peut "réverser" les atteintes de l’oreille interne et la mise en évidence des atteintes qui étaient bien réversées. Dans l’oreille interne, il y a deux organes sensoriels, l’organe de l’audition et l’organe de l’équilibration. Celui de l’audition s’appelle la cochlée et celui de l’équilibration c’est le vestibule. Ce qui était bien restauré, totalement, c’est tout ce qui concerne la fonction d’équilibre. L’audition n’était que partiellement restauré. Il s’agit là d’une démonstration de principe.
Désormais, on souhaite s’engager sur un autre type d’essai de thérapie génique, pour lequel on dispose également d’une démonstration de principe chez la souris, qui concerne une forme de surdité sans atteinte de l’équilibration, qui est assez fréquente, qui touche la cochlée et qui conduit à une surdité profonde. Ce que l’on cherche à faire, en collaboration notamment avec des équipes de l’hôpital Necker, c’est de mettre sur pied un essai de thérapie génique pour cette forme de surdité. Ici, en effet, on peut obtenir une réversion totale de l’atteinte auditive : les souris présentent un seuil auditif qui est complètement normal. C’est plus intéressant et plus favorable. On n’a pas encore publié la démonstration de principe chez l’animal, mais on l’a et on souhaite maintenant s’engager vers l’essai de thérapie.
JIM.fr : Ces approches pourraient-elles être envisagées de manière plus générale pour l’ensemble des formes de surdité ?
Professeur Christine Petit (Institut Pasteur) - Effectivement, on pense qu’à terme, ces approches doivent s’appliquer à un très grand nombre de maladies pour lesquelles on connaît le gène ou les gènes impliqués. Il s’agira tout d’abord des pertes de l’audition ou des atteintes auditives.
Du cousu main
La thérapie génique ce n’est pas simplement une thérapie de remplacement (remplacer un gène défectueux par sa copie normale), c’est aussi tout ce qui se dessine grâce l’utilisation de CRISPR Cas-9 (quand on parviendra à résoudre le problème des atteintes hors cibles). C’est le traitement idéal, c’est du cousu main, le gène reste dans son contexte et seules la ou les bases affectées sont modifiées. C’est idéal, parce que certains gènes ont une régulation vraiment complexe.
JIM.fr : Aujourd’hui, cependant, l’implant cochléaire reste le traitement de référence pour de nombreuses atteintes de l’audition. Quelle sera sa place demain ?
Professeur Christine Petit (Institut Pasteur) - En ce qui concerne les enfants, atteints de formes très invalidantes, dues à l’atteinte d’un seul gène, jusqu’à présent, ce qui était proposé c’était l’implantation cochléaire dans les surdités profondes. Cela a fait faire un bond véritablement considérable. Son efficacité repose sur deux choses. D’abord, la réversion de l’atteinte périphérique, grâce à une stimulation électrique du neurone auditif qui reste sommaire. Elle est loin en effet de reproduire l’analyse fréquentielle de la cochlée. On peut considérer que de 20 Hz à 20 Khz, on peut décomposer ça en 3 000 notes de piano, chacune accordée à une fréquence différente. Avec l’implant cochléaire, on n’atteint pas cette complexité. Avec une douzaine d’électrodes efficaces, il n’y a pas la finesse de l’analyse fréquentielle, ce qui fait, par exemple, que l’écoute de la musique est très défectueuse.
Eviter de créer une dichotomie implants cochléaires / thérapie génique
Il y a un autre problème auquel se heurtent toutes les prothèses aussi bien l’implant cochléaire que les aides auditives conventionnelles, c’est l’écoute dans le bruit. Comment en amont peut-on séparer ce qui est le son signifiant du bruit de fond ? De ce fait, si les résultats sont bons – avec l’implant cochléaire, les enfants qui sont implantés très jeunes ont des résultats qui sont vraiment intéressants - on est loin d’aboutir à une vraie restauration. Il faut comprendre qu’il ne suffit pas de restaurer une très bonne audition périphérique, à supposer qu’on le fasse, pour que la perception auditive soit très bonne. Tout repose sur la plasticité cérébrale. S’il n’y a pas de plasticité, les résultats sont de très mauvaise qualité. Jusqu’à présent, probablement en raison de l’importance du bond réalisé, on s’est trop peu intéressé, à mon sens, aux résultats de l’implant cochléaire en ce qui concerne l’analyse quantitative fine qui permettrait de bien distinguer entre les formes de surdité pour lesquelles l’implant cochléaire est particulièrement efficace vs les formes dans lesquelles il l’est moins.
Cependant, il faut veiller à ne pas suggérer l’existence d’une dichotomie implants cochléaires/thérapie génique. Les fabricants d’implant ont bien pris conscience de l’existence de thérapies innovantes. Ils ont déjà pour beaucoup d’entre eux équipé leur implant de sortes de canules qui sont associées à l’implant qui vont permettre de délivrer qui des drogues, qui des gènes. On va avoir une période de transition où on va avoir l’association des deux. A court et moyen termes ce sont les thérapies génique et pharmacologique qui domineront et à long terme la thérapie cellulaire avec transfert dans la cochlée de cellules pluripotentes, avec l’idée ici de faire une vraie médecine personnalisée. Des essais sont actuellement en cours chez l’animal. Mais la recherche va au-delà, elle va jusqu’à la formation des organoïdes, ce qui permettra aussi d’avoir moins recours aux animaux (notamment en ce qui concerne l’histologie). On se dirige aussi vers l’obtention in vitro, à partir des cellules induites pluripotentes, de cellules qui vont se différencier pour donner une cochlée. Cela est déjà possible pour certaines couches de la rétine. C’est un peu plus compliqué pour la cochlée parce que vous avez ce piano qui fait que chaque cellule est différente d’un bout à l’autre et est accordée en fréquence. L’obtenir in vitro suppose de créer des tensions mécaniques. Il y a un certain nombre de paramètres pour lesquels il faut élucider quelles sont les exigences respectives entre les gradients chimiques et les gradients mécaniques, afin de restaurer une cochlée la plus proche des caractéristiques morpho fonctionnelles.
JIM.fr : A part les thérapies géniques et l’implantation, quelles sont les autres approches thérapeutiques, notamment médicamenteuses ?
Professeur Christine Petit (Institut Pasteur) - Il existe quatre grands axes de recherche thérapeutique au niveau médicamenteux. Parlons d’abord des antioxydants. Qu’il s’agisse de l’ototoxicité liée aux cysplasmides, de l’ototoxicité liée aux aminoglycosides, qu’il s’agisse des atteintes auditives liées au bruit : nous sommes confrontés à des problèmes d’oxydation, de radicaux libres, contre lesquels on essaye de lutter grâce à des antioxydants. Ainsi, cette voie est-elle développée.
Autres voies : les anti-apoptotiques, les anti-inflammatoires et des travaux qui visent à la régénération des cellules par voie pharmacologique. Au niveau de la thérapie génique, il y a beaucoup de compagnies qui se lancent au niveau mondial ; mais il y a aussi des compagnies qui investissent sur le marché pharmacologique. Il existe des composés qui entrent en phase III. C’est un des objectifs de l’Institut de l’audition de créer des champions nationaux au niveau de la thérapie auditive, en pharmacologie et en thérapie génique.
JIM.fr : Vous avez en effet pris la tête l’année dernière du nouvel Institut de l’audition, pouvez-vous nous préciser ses missions et objectifs ?
Professeur Christine Petit (Institut Pasteur) - Il faut bien comprendre que c’est une occasion unique qui intervient à un moment particulièrement approprié. On a cette masse de connaissances accumulées en particulier chez l’animal et nous disposons d’une importante innovation thérapeutique. Cet institut est soutenu par la Fondation pour l’audition qui est liée à un mécène qui accompagne non seulement l’institut de l’audition mais aussi la transformation de la prise en charge des malentendants, de leur accompagnement sur l’ensemble du territoire national. Une partie importante de son activité est liée à l’Institut de l’audition, mais il n’y a pas que cette dimension-là. L’institut de l’audition se concentrera notamment sur une recherche fondamentale de très haut niveau, qui alimente la recherche translationnelle. Cet institut est par ailleurs associé à un centre de recherche et d’innovation en audiologie, qui est à quelques dizaines de mètres de là, qui est dirigé par Paul Avant et qui a pour but de créer d’une part de l’innovation en termes de mode d’exploration des patients et également de faire en sorte que l’innovation dans le domaine translationnel (qui est le deuxième volet de l’Institut de l’audition) soit suivie de façon fine au niveau de ce centre. A l’inverse, nous attendons de ces techniques nouvelles d’exploration la possibilité d’identifier quelles sont les questions auxquelles on doit impérativement répondre au niveau fondamental pour pouvoir apporter des solutions thérapeutiques dans le futur.
Interview réalisée par Aurélie Haroche.