Paris – L’Assemblée Nationale a adopté en première lecture une proposition de loi renforçant les peines en cas de violences contre des soignants. Elle permettrait aux employeurs de porter plainte à la place des victimes.
« La tolérance zéro est non négociable » a lancé ce jeudi dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale le ministre délégué à la Santé Frédéric Valletoux, au moment de défendre la proposition de loi du député Horizons Philippe Pradal visant à « renforcer la sécurité des professionnels de santé ». Si l’enceinte du Palais Bourbon est régulièrement l’objet de débats houleux, le nécessaire renforcement de la lutte contre les violences commises à l’encontre des professionnels de santé a logiquement fait consensus parmi les députés et c’est à l’unanimité que les parlementaires ont voté cette proposition de loi.
Le texte prévoit tout d’abord d’étendre l’application des circonstances aggravantes déjà prévues en cas de violences commises contre un professionnel de santé « dans l’exercice ou du fait de ses fonctions » aux violences commises à l’encontre de tout membre du personnel d’un établissement de santé quel qu’il soit (hôpital, centre de santé, Ehpad…). Les peines pour violences commises par exemple contre la secrétaire d’un cabinet médical ou un salarié d’un Ehpad seront donc aggravées. Sont visées les formes de violences les plus graves : par exemple, en cas de violence contre un salarié d’un établissement de santé ayant entrainé une incapacité totale de travail (ITT) de plus de 8 jours, la peine encourue sera de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. La loi prévoit également d’aggraver les peines en cas de vol de matériel médical commis dans l’enceinte d’un hôpital.
L’employeur pourra porter plainte à la place du soignant
La proposition de loi créé également un délit d’outrage à l’encontre des professionnels de santé, quelque soit leur lieu d’exercice, qui sera puni d’une amende de 7 500 euros d’amende, peine qui pourra être porté à 6 mois d’emprisonnement si l’outrage a lieu à l’intérieur d’un établissement de santé.
Mais la principale nouveauté de la loi est la création d’un processus facilité de dépôt de plainte. Il est en effet très fréquent que les soignants victimes de violence renoncent à porter plainte, soit par crainte de représailles, soit parce qu’il n’en ressentent pas d’intérêt. Le texte adopté par les députés permet donc à l’employeur du soignant victime de porter plainte pour son compte, après avoir recueilli son consentement écrit. Pour les professionnels de santé libéraux, qui n’ont par définition pas d’employeur, un décret viendra préciser quelle instance représentative pourrait porter plainte à leur place, le député Philippe Pradal ayant évoqué comme possibilité l’Ordre des médecins, les syndicats professionnels ou l’Union régionale des professionnels de santé (URPS).
Pour les soignants qui n’osent pas porter plainte par crainte de représailles, la nouvelle loi leur permet de déclarer comme domicile au moment de la plainte l’adresse de l’Ordre professionnel auquel ils sont inscrits ou du commissariat dans lequel ils ont porté plainte. Le texte doit désormais être examiné au Sénat, mais avec la procédure accélérée enclenchée par le gouvernement, le député Philippe Pradel a bon espoir que les choses « aillent assez vite ».
65 professionnels de santé victimes de violences chaque jour
Cette proposition de loi est la traduction législative du plan d’action contre les violence vis-à-vis des soignants présenté en octobre dernier par le gouvernement, qui s’appuyait lui-même sur les travaux menés par le Dr Jean-Christophe Masseron, président de SOS Médecins et Nathalie Nion, cadre supérieur à l’AP-HP. Les deux professionnels de santé avaient été mandatés pour réfléchir à la question à la suite de l’assassinat d’une infirmière au CHU de Reims en mai dernier.
Le plan présenté par le gouvernement en octobre dernier s’articulait autour de trois axes : la prévention, la sécurisation et l’accompagnement des victimes de violences. Le volet prévention a connu sa première expression en décembre dernier, avec la tenue d’une campagne de communication auprès des patients pour « changer les comportements ». Avec le slogan « il faut être malade pour s’en prendre à un professionnel de santé », la campagne avait été très diversement appréciée par les professionnels, qui estimaient qu’elle semblait quelque peu excuser les auteurs de violence. Si la proposition de loi votée par l’Assemblée Nationale devrait être mieux accueillie, les soignants attendent désormais des mesures concrètes sur le terrain, comme la généralisation des dispositifs d’alarme.
Selon l’Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS), ce sont près de 20 000 signalements de violence contre des soignants qui sont recensés par an, correspondant à environ 30 000 atteintes aux personnes et 5 000 atteintes aux biens. Des chiffres sous-estimés, puisque nombreux sont les victimes qui ne signalent pas les violences qu’ils ont subies. On estime que ce sont chaque jour 65 professionnels de santé qui sont victimes de violences physiques ou verbales.