Paris – La FHF a publié un bilan estival particulièrement dramatique de la situation des hôpitaux et demande un investissement financier conséquent pour sauver l’hôpital.
Sur le front des hôpitaux, l’été aura été marqué par une passe d’arme entre le ministre de la Santé démissionnaire Frédéric Valletoux d’une part et les syndicats de médecins de l’autre. Alors que, comme chaque été, de nombreux services d’urgence ont rencontré les plus grandes difficultés à faire face à l’afflux de patients (en raison des départs en vacances de soignants hospitaliers et libéraux), le ministre avait tenté de minimiser la situation, en affirmant dans une interview le 20 août dernier qu’ « une cinquantaine d’hôpitaux seulement sont en tension » et que la situation dans les services d’urgence étaient « un peu mieux que l’été dernier ».
Des propos qui avaient provoqué de vives réactions des syndicats de médecins et notamment de Samu-Urgences de France, dont le président le Dr Marc Noizet avait affirmé que les propos du ministre démissionnaire n’étaient « absolument pas en lien avec la réalité du terrain » et que la situation des urgences était certes « contrastée » mais que « la tendance était sans doute à la dégradation globale ». Un recadrage qui n’a pas empêché le ministre démissionnaire de réaffirmer ce mardi que seuls « une quarantaine » d’établissement sont encore en tension.
Sans surprise, la Fédération hospitalière de France (FHF), qui faisait sa rentrée ce mercredi, a plutôt pris le parti des syndicats de médecins hospitaliers plutôt que de son ancien président. Le lobby de l’hôpital public a présenté lors d’une conférence de presse les conclusions de son enquête sur les difficultés rencontrées par les hôpitaux cet été et elles ne sont guères encourageantes.
Sur les 260 établissements interrogés, 39 % affirme que la situation aux urgences s’est détériorée, 46 % qu’elle est stable et seulement 15 % qu’elle s’est améliorée. Près de la moitié (48 %) des hôpitaux affirment ainsi que l’activité aux urgences a augmenté par rapport à l’été dernier (45 % rapportent une activité stable) et 18 % rapportent avoir dû fermer les urgences pendant au moins une nuit ou une journée durant l’été.
La responsabilité des cliniques privées de nouveau pointée du doigt
Les causes immédiates de ces difficultés sont bien connues et bien identifiées par les hôpitaux : il s’agit du manque d’effectifs et du manque de lits d’aval. 62 % des hôpitaux affirment manquer d’effectifs médicaux et 37 % d’effectifs non-médicaux. Ils sont 66 % à pointer du doigt un manque de lits d’aval en médecine, 51 % en réadaptation et 43 % en psychiatrie. Pour résoudre ces difficultés, les hôpitaux ont essentiellement recours aux heures supplémentaires (64 % des établissements) et à l’intérim (48 %).
Mais la FHF n’hésite pas non plus à pointer du doigt la responsabilité du secteur privé et notamment des cliniques, accusées de ne pas participer suffisamment à la permanence des soins. Les trois quart des hôpitaux estiment ainsi que les cliniques ne se sont pas suffisamment mobilisées cet été pour leur venir en aide.
« Certains sont très vertueux, mais on ne peut pas travailler sur la base du volontariat avec le libéral, sans régulation, ça ne peut pas marcher » affirme le Pr Jean-Luc Jouve, président de la commission médicale d’établissement (CME) de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM). Le chirurgien marseillais avait déjà dénoncé le prétendu manque d’implication des médecins libéraux dans la permanence des soins il y a deux semaines, suscitant de vives critiques de ces derniers.
La FHF propose ainsi une énième fois d’instaurer une obligation de participation à la permanence des soins dans les établissements publics de santé pour les professionnels de santé en début de carrière. Elle exhorte également le gouvernement à prendre les décrets d’application de la loi Valletoux de décembre dernier, qui permettait d’assurer un rééquilibrage entre les secteurs publics et privés dans la participation à la permanence des soins.
La FHF demande un investissement massif pour l’hôpital
Tout n’est pas noir dans le tableau dressé par la FHF. Son rapport note que de plus en plus d’hôpitaux rapportent l’existence d’une régulation préalable par les médecins du SAMU : c’est le fameux service d’accès aux soins (SAS), loué par le gouvernement et dont la FHF espère le déploiement rapide « sur tout le territoire ». La FHF a également publié des chiffres encourageants en termes de recrutement. Ainsi, entre 2022 et 2023, le nombre de postes d’infirmières vacants est passé de 5,7 % à 3 %, le taux d’absentéisme a baissé de 11,1 % à 9,5 % et la moitié des CHU notent une progression des recrutements de soignants. Mais la quasi-totalité des établissements de santé (98 %) rapportent des difficultés de recrutement dans au moins une spécialité.
Enfin, sur le plan financier, la FHF rappelle que la situation budgétaire des hôpitaux publics est très compromise, avec un déficit approchant les 1,9 milliard d’euros en 2019 et dépassant les 2 milliards en 2024, notamment à cause de l’inflation dont le coût s’élève à 1,3 milliard d’euros pour l’hôpital public. La FHF demande donc un effort financier conséquent de la part des pouvoirs publics : une hausse de l’ONDAM des hôpitaux de 2,4 milliards d’euros pour 2024 et une nouvelle hausse de 6,3 milliards d’euros en 2025.
« Nous ne pouvons pas laisser le refrain des difficultés aux urgences se répéter chaque année » a conclu le président de la FHF Arnaud Robinet, qui a appelé le futur gouvernement à faire de l’hôpital l’une de ses priorités. « Nous attendons qu’un ministre de la Santé de plein exercice soit nommé au plus vite. Quel que soit le futur gouvernement, il faudra avoir le courage de réformer ».