Paris – L’annonce de la vente d’Opella, filière de Sanofi qui produit le Doliprane, à un fonds d’investissement américain, a provoqué la colère de parlementaires. Ceux-ci demandent au gouvernement d’empêcher la vente.
Ils vont tenter d’éteindre l’incendie. Ce lundi, le ministre de l’Economie Antoine Armand et le ministre de l’Industrie Marc Ferracci se rendront à l’usine Sanofi de Lisieux qui produit le Doliprane, le médicament le plus consommé en France. Ils y rencontreront les ouvriers, qui ont décidé de se mettre en grève ce lundi.
Un mouvement social qui a été déclenché pour protester contre l’annonce vendredi par Sanofi de la vente projetée de sa filiale Opella, qui produit le Doliprane et bien d’autres médicaments grand public sans ordonnance (comme la Lysopaine ou le Maalox), au fonds d’investissement américain Clayton, Dubilier & Rice (CD&R). Le détail de la vente n’est pas encore connu mais le groupe américain devrait acheter environ 50 % de la filiale de Sanofi pour 15,5 milliards d’euros.
La vente d’Opella à un fonds américain est « une très mauvaise nouvelle » commente Christophe Quillé, membre de CGT et employé de Sanofi. Des syndicats craignent en effet que la vente de la firme ne mette en danger les emplois de ses près de 1 000 salariés en France, répartis en deux sites de production, l’un à Lisieux, l’autre à Compiègne
« Le passé, on le connait : un nouvel acheteur arrive, il sabre dans les effectifs et au bout d’un moment, il vend les meubles » s’inquiète le syndicaliste. « Il y avait un candidat français, j’aimerais comprendre pourquoi il n’a pas été retenu » s’interroge pour sa part Jérémie Patrier-Leitus, député de la circonscription de Lisieux. Sanofi avait en effet un temps envisagé de vendre Opella au fond « français » PAI.
De l’extrême-droite à l’extrême-gauche, unanimité contre la vente d’Opella
Il n’y a pas que les ouvriers et les syndicats qui s’inquiètent de voir le Doliprane passer sous giron américain. Durant le week-end, plusieurs responsables politiques (de tout bord) ont critiqué l’apparente passivité avec lequel le gouvernement a réagi à cette vente potentiellement dangereuse pour la souveraineté sanitaire de la France. « La vente à la découpe de la France se poursuit » a réagi le président du Rassemblement National (RN) Jordan Bardella tandis que le secrétaire général du Parti communiste français (PCF) Fabien Roussel a dénoncé « une honte » et « un nouveau symbole de notre perte de souveraineté ».
L’opposition n’est pas la seule à dénoncer cette vente. Les partis politiques soutenant le gouvernement s’inquiètent également de voir le Doliprane, médicament produit en France et qui a connu par le passé des tensions d’approvisionnement, passer aux mains de l’étranger. Dans un courrier commun au ministre de l’Economie, une soixantaine de parlementaires de droite et du centre dénoncent ainsi cette vente qui « pose un enjeu très préoccupant pour notre sécurité nationale ».
« Il est indispensable que l’Etat agisse pour protéger nos fleurons industriels et assurer la souveraineté sanitaire de la France » commente pour sa part Laurent Wauquiez, chef du groupe parlementaire Les Républicains à l’Assemblée Nationale.
Vendredi, au moment de l’annonce de la vente par Sanofi, le gouvernement avait semblé accueillir la nouvelle sans aucune réserve. Ce week-end, face à la montée de la polémique, le ton s’est voulu un peu plus ferme. « Mon souhait, mon engagement, c’est que le Doliprane continue à être produit en France, par des salariés en France » a assené Antoine Armand ce dimanche. « L’Etat demandera des garanties extrêmement fortes » à l’acheteur américain, « produire du Doliprane en France, c’est notre stratégie industrielle, souveraine et sanitaire, ça doit le rester » poursuit-il.
Le gouvernement bloquera-t-il la vente d’Opella ?
Dans une tribune publiée ce dimanche, des parlementaires de gauche demandent au gouvernement de bloquer purement et simplement la vente d’Opella à CD&R. Le code monétaire et financier autorise en effet l’exécutif à empêcher la vente d’une société française à un investisseur étranger lorsque des questions de souveraineté sont en jeu. Le domaine de la santé fait expressément partie des domaines visés par la loi.
Interrogé sur cette possibilité, le ministre de l’Economie Antoine Armand ne l’exclut pas totalement, mais estime qu’il s’agit d’une solution de dernier recours. « Nous demanderons des garanties extrêmement fortes, de nature à rassurer sur le moyen terme à la fois les salariés et les Français et si ce n’est pas le cas, rien ne me paraîtra interdit au premier abord » commente-t-il, avant d’ajouter qu’il est convaincu que « engagements seront pris, qui seront très solides, à la fois pour maintenir les emplois et pour mainteni r la sécurité de l’approvisionnement des Français en médicaments ».
Il y a quatre ans, au moment de la crise sanitaire, le Président de la République Emmanuel Macron avait fait de la production du Doliprane en France le symbole d’une souveraineté sanitaire retrouvée.
Depuis l’annonce de la vente d’Opella, le chef de l’Etat n’a pas fait le moindre commentaire sur le sujet. « Le président s’occupe aujourd’hui de faire en sorte qu’Emily in Paris reste en France, je préférais qu’il s’occupe de faire en sorte que le Doliprane reste en France » tacle Olivier Faure, secrétaire général du Parti Socialiste (PS).